Les apports en sodium et en potassium conseillés par l’OMS sont-ils raisonnables ?

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Pour réduire le risque de maladie cardiaque et d'AVC, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas consommer plus de deux grammes de sodium par jour, soit moins d'une cuillère à café de sel. Dans le même temps et pour les mêmes raisons, l'OMS recommande la consommation quotidienne d’au moins 3,5 g de potassium, l’équivalent d’environ six pommes de terre (un aliment considéré comme riche en potassium), ou de neuf tasses de lait.

Une équipe de six chercheurs issus de quatre États différents (France, Mexique, Royaume-Uni et États-Unis) ont souhaité savoir s’il était possible d’atteindre ces objectifs. En préambule, ils ont analysé les résultats de plusieurs enquêtes alimentaires nationales. Ils ont ainsi constaté que seuls 0,3 % des Américains, 0,5 % des Français, 0,15 % des Mexicains et 0,1 % des habitants du Royaume-Uni atteignent ce double objectif nutritionnel.

Des objectifs difficiles à atteindre

« Nos données confirment que nous consommons trop de sodium et pas assez de potassium, rapporte le Dr Adam Drewnowski, professeur d'épidémiologie au Centre pour la nutrition en santé publique à l'École de santé publique de l'Université de Washington. Mais ils suggèrent également que les valeurs proposées par l'OMS et d'autres organismes de santé sont tout à fait impossibles à atteindre. Les chances que la majorité de la population atteignent ces objectifs sont proches de zéro. » Pour le chercheur, le problème est que sodium et potassium se retrouvent fréquemment dans les mêmes aliments. Le lait par exemple contient à la fois du sodium et du potassium. « Pour réduire votre consommation de sodium, vous pouvez consommer moins de lait, illustre le scientifique. Mais le lait est aussi une source importante de potassium. Et pour augmenter votre apport en potassium, vous devrez en boire davantage ». Les deux recommandations semblent donc antinomiques.

D’autre part, le scientifique note que les aliments riches en potassium comme les légumes, les agrumes ou les poissons ont tendance à être plus chers. Globalement, pour atteindre ce double objectif, il estime que le prix du panier quotidien moyen augmenterait de 1,49 $, soit environ 42 $ par semaine pour le budget alimentaire moyen d’une famille de quatre personnes.

Reformuler les produits et tenir compte des disparités mondiales

Adam Drewnowski tire plusieurs enseignements de ce travail. D'abord, il sera difficile de parvenir à une réduction significative de la consommation de sodium alimentaire par l'éducation des consommateurs seuls. Il s’avère donc nécessaire de passer par la reformulation des aliments commercialisés pour réduire leur teneur en sodium. Par ailleurs, les habitudes alimentaires diffèrent fortement d’un pays à l’autre et pour être efficaces, il faudra également intégrer cette composante. « La plupart du sodium présent dans le régime alimentaire américain provient des aliments transformés, notamment les pains, pizzas, viandes transformées et le fromage. Mais si la pizza est une source importante de sodium pour les États-Unis, je doute que ce soit également le cas en Asie », explique le chercheur.  Le Dr Adam Drewnowski prône donc une refonte de ces directives diététiques qui fixerait des objectifs raisonnables et soutenues par plus de données en provenance de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.

Source : Drewnowski A, et al. The Feasibility of meeting the WHO guidelines for sodium and potassium : a cross-national comparison study. BMJ Open 2015 ; 5 : e006625.

RF

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