Maintenir l’autonomie le plus longtemps possible avec l’association Siel Bleu

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© Camille Aulas

On y travaille l’autonomie, l’équilibre, la souplesse articulaire, et plus généralement les capacités motrices afin de prévenir les effets néfastes de l’avancée en âge et de la sédentarité. On y travaille aussi la confiance en soi, le tout dans un climat convivial propice au maintien du lien social, encadré par des professionnels spécifiquement formés. Reportage.

Dans une petite salle au sous-sol du 63 rue Saint-Sabin, à Paris, de petits groupes de retraités, des femmes majoritairement, se retrouvent à raison d’une heure par semaine pour faire du sport. Charlène Leroyer, leur professeur – qu’elles appellent aussi « maîtresse » pour la faire rire –, les connaît toutes par leur prénom : cela fait plusieurs années que les participantes suivent ce cours. Geneviève, 80 ans, y vient depuis six ans. Et elle retrouve toujours le même groupe de seniors : le cours crée des liens.

Travailler l’équilibre et prévenir la chute

Les exercices proposés par Charlène Leroyer sont simples. Après un échauffement articulaire en douceur et un exercice de respiration, les activités s’enchaînent : les seniors marchent à grands pas dans la salle, et s’immobilisent d’un coup quand Charlène tape dans ses mains. Les retraitées se déplacent ensuite sur la pointe des pieds et s’assoient sur une chaise pour s’en relever immédiatement – des exercices accessibles pour apprendre à éviter de se laisser emporter par sa vitesse, et donc prévenir la chute, première cause de fracture chez les personnes âgées. Puis, c’est l’heure de sortir les accessoires : Charlène dispose au milieu de la salle des éléments de parcours destinés à améliorer l’équilibre des participantes. Elle fait une démonstration, mais les seniors connaissent déjà les différents exercices proposés. Une par une, les retraitées s’essaient aux différents parcours, toujours soutenues et accompagnées par Charlène. Il s’agit de marcher très vite sur la pointe des pieds puis de s’arrêter brusquement sans perdre l’équilibre, de suivre à petits pas de fourmi un mince chemin méandrique matérialisé par des bandelettes plastiques, et de se hisser sur un pied sur des petits rectangles en plastique de quelques centimètres de hauteur. Beaucoup d’autres exercices sont proposés lors de ces séances, qui forcent les adhérentes à lever la jambe tout en veillant à leur équilibre ou qui font travailler en douceur les muscles des bras et des jambes.

Des bénéfices constatés

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© Camille Aulas

La plupart des retraitées ne se sont pas inscrites à Siel Bleu suite à des problèmes de santé particuliers mais bien dans un souci d’améliorer leur condition physique générale. L’efficacité de ces cours se ressent, comme en témoigne Colette, qui aura 81 ans dans quelques jours : « Ici, on s’assouplit sans se fatiguer, ce qui est très différent des cours de gym classiques, explique-t-elle. En très peu de temps, mon équilibre s’est amélioré. Et malgré mes deux prothèses de hanche, je me tiens mieux. » Leur professeur confirme les bénéfices évoqués : « Ce sont les progrès relatifs à l’équilibre et à la capacité à prévenir les chutes qui sont les plus flagrants, précise Charlène Leroyer. Cela se ressent également par une confiance en elles retrouvée : les patientes ont moins peur de tomber lorsqu’elles marchent dans la rue et se sentent plus autonomes. » D’ailleurs, beaucoup des seniors inscrits aux cours ont déjà chuté dans la rue, ce qui a exacerbé leur intérêt pour l’association, qui permet d’apprendre à conserver une bonne posture et à se relever en cas de chute.

Un climat très convivial

Ces cours hebdomadaires sont également des moments propices à l’échange. « Nous avons plaisir à nous retrouver », rapportent plusieurs participantes. Dans certains groupes, de vrais liens d’amitié se sont tissés : les retraitées se retrouvent même en dehors du cadre de l’association, pour déjeuner ensemble par exemple. Cela se ressent pendant le cours : les participantes discutent du film passé à la télévision la veille, font des blagues et rient beaucoup. Ces échanges sont probablement aussi importants que le bien-être physique qui découle de l’activité sportive, aidant à lutter contre le sentiment de solitude trop souvent associé à l’âge avancé. Mais attention, certaines des participantes ont un emploi du temps très chargé ! C’est par exemple le cas de Simone, 82 ans, qui suit chaque semaine des cours de chorale et même de tai-chi en plus de ses cours à Siel bleu…

Des activités en salle, mais pas que !

Les retraitées rencontrées ont eu vent de l’association majoritairement via leur mutuelle, leur caisse de retraite ou à l’occasion de réunions seniors organisées par les mairies. Certaines mutuelles offrent même un trimestre de cours par an à leurs affiliés. Les partenariats entretenus par Siel bleu sont à la fois nombreux et variés, le but principal étant de rendre les sessions accessibles à tous en baissant leur prix au maximum. Siel Bleu cible un public très hétérogène : les seniors actifs, mais également les seniors dépendants, voire très dépendants (en fauteuil roulant par exemple), les personnes en situation de handicap, les autistes et les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de pathologies chroniques. Charlène Leroyer, qui travaille pour Siel Bleu depuis deux ans, dispense aussi des cours à des enfants autistes, intervient dans des maisons de retraite et dans les hôpitaux, pour les personnes en séjour prolongé notamment. Dans le cas de personnes très âgées ou en situation de handicap, ce sont des cours de gymnastique sur chaise qui sont proposés : « Ces exercices peuvent toujours s’effectuer assis, et font travailler les bras et les jambes », décrit Charlène. Les professionnels de Siel Bleu sont le plus souvent détenteurs d’un diplôme en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) et spécialisés en santé et vieillissement ou en activité physique adaptée, comme Charlène. Les professeurs sont aussi là pour répondre aux questions des adhérents, sur l’alimentation ou les exercices physiques pouvant être réalisés à la maison. « Les seniors sont souvent très dynamiques et désireux de conserver une bonne hygiène de vie », commente Charlène.

Camille Aulas

Siel Bleu à domicile : Domisiel

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© Camille Aulas

L’association propose également des cours à domicile pour répondre à des besoins spécifiques. Morgan Cocheteau, qui travaille pour Siel Bleu depuis un peu moins d’un an, rejoint chaque semaine Francette pour une heure de cours particulier. Âgée de 76 ans et extrêmement dynamique, cette retraitée souffre de malvoyance et d’arthrose du genou. Le professeur lui fait donc essentiellement travailler la reprise de la marche. Pour cela, il met en place des exercices simulant le déséquilibre qu’il combine avec d’autres activités obligeant à gérer plusieurs mouvements à la fois tout en gardant l’équilibre. Le meilleur des exercices reste la pratique en conditions réelles : Morgan et Francette passent souvent la moitié de la séance à marcher dans le quartier de Francette, alternant lieux connus ou inconnus, et confrontant la retraitée aux obstacles réels : les creux et les bosses de la chaussée, la montée des trottoirs et le passage de piétons et de voitures. La question de la confiance en soi est d’ailleurs indissociable du caractère nouveau de l’environnement : si Francette avance timidement dans les rues inconnues ou lors des exercices de marche qu’elle ne maîtrise pas totalement, sitôt son terrain de vie retrouvé, c’est d’un bon pas qu’elle arpente les rues qui lui sont familières. La senior a eu vent de Siel Bleu à la radio. Elle est également très satisfaite, du cours comme de son professeur, et se dit moins stressée et moins fatiguée dans la vie quotidienne.

Historique de l’association

En 1997, Jean-Daniel Muller et Jean-Michel Ricard, alors étudiants en STAPS, décident de se spécialiser dans les activités pour personnes âgées : une fois diplômés, ils se lancent dans la création de l’association Siel Bleu, pour laquelle ils travaillent bénévolement pendant plusieurs mois. Le secteur de l’activité physique pour les seniors est encore très peu pourvu. La constatation de l’impact de leurs efforts sur l’autonomie, sur le bien-être au quotidien des bénéficiaires de l’association, ainsi que leurs nombreux témoignages confortent les deux présidents de l’association dans leurs projets : « Nous avions l’impression d’être à la fois vecteurs et accompagnateurs de l’amélioration de la qualité de vie de tous ces gens », explique Jean-Daniel Muller. La suite, c’est une combinaison de rencontres et d’opportunités : de plus en plus de structures sollicitent leur aide, des emplois sont créés, et l’association s’étend à d’autres départements. Des partenariats se créent, avec mutuelles et caisses de retraites notamment. Un travail de recueil des études de recherche menées sur les bienfaits de l’activité physique chez les seniors est entamé, ce qui permet la création d’une base de données conséquente et la construction de programmes d’APA adaptés à différentes pathologies et à différents publics. Aujourd’hui, l’association compte environ 350 salariés et profite à plus de 70 000 personnes chaque semaine. Et les évolutions se poursuivront : parmi les projets en cours, un programme d’activité physique adapté aux patients souffrant de sclérose en plaques, l’ouverture à trois pays européens, un programme d’étude d’impact de l’activité physique mené conjointement avec l’Inserm, une accessibilité toujours améliorée en termes géographique comme financier… Un bel avenir en somme.

Camille Aulas

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