Dénutrition et sarcopénie : facteurs de fragilité gériatriques

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La morbi-mortalité en gériatrie est étroitement liée à la dénutrition et à la sarcopénie. Il convient par conséquent de les repérer le plus tôt possible, à l’occasion d’une consultation systématique, d’une hospitalisation et dès qu’un doute existe sur leur existence. La dénutrition est plus « évidente » à repérer que la sarcopénie, il est important de progresser dans ce domaine pour améliorer la prise en charge des patients âgés. Il s’agit de facteurs de fragilité qui peuvent être parfois réversibles,  et améliorables, ce qui n’est pas le cas de tous ceux-ci. Nous citons dans cette revue, la lecture synthétique de cinq publications parues en 2014 sur ces sujets qui font avancer l’état des connaissances et qu’il faut appliquer au quotidien dans nos pratiques en gériatrie à tous les niveaux.

 

Étude CRIME : la sarcopénie est associée à la mortalité chez les patients hospitalisés

La sarcopénie est une affection fréquente parmi les populations âgées et fragiles, et elle a été fréquemment associée à des résultats négatifs sur la santé. Cependant, l'impact de la sarcopénie sur la mortalité chez les adultes âgés hospitalisés a rarement été évalué de manière précise. Cette étude avait pour objectif d’étudier l’association entre la sarcopénie et la mortalité pendant le séjour en court séjour hospitalier et un an après la sortie.

Cette étude observationnelle multicentrique a impliqué 770 patients à l'hôpital. La masse musculaire a été quantifiée à l'analyse d'impédance bioélectrique. Le diagnostic de la sarcopénie a été basé sur l'algorithme proposé par le Groupe de travail européen sur la sarcopénie chez les personnes âgées (EWGSOP). Après la sortie, les participants ont été suivis pendant une année. La mortalité a été évaluée lors de séjours à l'hôpital et pendant l’année de suivi.

Sur les 770 participants (âge moyen : 81 ± 7 ans ; 56 % de femmes), la sarcopénie était présente chez 214 (28%) d'entre eux, 22 participants sont décédés pendant le séjour à l'hôpital, et 113 dans l'année après la sortie. La mortalité à l’hôpital et à 1 an était significativement supérieure (après ajustement des facteurs confondants) dans le groupe avec sarcopénie par rapport aux participants sans sarcopénie.

L'avis du spécialiste. Cette étude observationnelle longitudinale multicentrique objective le lien entre sarcopénie et mortalité chez les patients âgés hospitalisés en court séjour (à court terme : pendant le séjour hospitalier) et à long terme (1 an après sortie hôpital).

Vetrano DL, et al. Association of sarcopenia with short – and long -term mortality in older adults admitted to acute care wards: results from the CRIME study.  J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2014 ; 69 (9) : 1154-61.
 
 

18,7 % des patients hospitalisés seraient gravement sarcopéniques

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La sarcopénie se caractérise par une perte progressive de la masse et de la force musculaires. Bien que les données existent sur la prévalence de la sarcopénie chez les personnes âgées vivant au domicile ou en institution, il n'y a pas de recherche systématique chez les patients âgés hospitalisés en fonction des critères nouvellement développés.

La force de préhension de la main a été mesurée avec le dynamomètre de Jamar, l’indice de muscle squelettique a été calculé sur la base des données brutes obtenues à partir de l'analyse d'impédance bioélectrique, et la fonction physique a été évaluée avec la batterie de performance physique version courte, chez les patients hospitalisés en gériatrie. La sarcopénie a été définie selon les critères du Groupe de travail européen sur la sarcopénie chez les personnes âgées (EWGSOP).
Cette étude a porté sur 198 patients d'un service de gériatrie aiguë. L'âge moyen était de 82,8 ± 5,9 ans et 70,2 % (n = 139) des participants à l'étude étaient des femmes. Treize patients (6,6 %) ont été définis comme sarcopéniques et 37 (18,7%) ont été définis comme gravement sarcopéniques. Dans une comparaison de groupe, les patients atteints de la sarcopénie avaient un moins bon état nutritionnel. Dans une analyse de régression logistique binaire, seul l’indice de masse corporelle a été associée à la sarcopénie, alors que le sexe, l'âge, la durée du séjour, la fonction cognitive et ne l’étaient pas.

L'avis du spécialiste. La prévalence de la sarcopénie chez les patients hospitalisés en gériatrie est élevée. L'état nutritionnel est associé à la sarcopénie.

Smoliner C,et al. Prevalence of sarcopenia in geriatric hospitalized patients. J Am Med Dir Assoc. 2014  ; 15 (4) : 267-72.

 

L’activité physique est associée à une masse maigre plus importante

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La masse grasse et la masse maigre ont des implications importantes pour la santé et le fonctionnement physique chez les personnes âgées, et l'activité physique est censée être un déterminant modifiable important. Cette étude a examiné les associations entre l’activité physique, mesurée par l'auto-évaluation (en utilisant des données sur le temps de loisirs et activité physique (LTPA) recueillies à quatre reprises sur une période de 28 ans) et mesurée objectivement (en utilisant la fréquence cardiaque  5 jours et monitoring de mouvement), avec les masses grasse et maigre à des âges de 60 à 64 ans chez 1 162 participants britanniques de la Medical Research Council National Survey of Health and Development en 1946-2010. Après ajustement pour la masse grasse, la PAEE(dépense énergétique de l'activité physique) plus élevée a été associée à la masse maigre appendiculaire supérieure. Les activités d’intensité légère et les activités d’intensité modérée à importante ont été associées à la masse grasse, et ce dernier a été associé à la masse maigre.

Le LTPA (temps de loisirs et activité physique) plus fréquent à l’âge adulte a été associée à la masse grasse inférieure (chez les femmes seulement) et la masse maigre appendiculaire supérieure (chez les deux sexes).

L'avis du spécialiste. Ces résultats nous confortent de manière encore plus précise, pour la promotion et la reconnaissance du temps de loisirs et d’activité physique chez l’adulte en général, ainsi que l’activité d’intensité légère et ou d’intensité modérée à vigoureuse chez les personnes plus âgées.

Bann D, et al. National Survey of Health and Development scientific and data collection team. Physical activity across adulthood in relation to fat and lean body mass in early old age: findings from the Medical Research Council National Survey of Health and Development, 1946-2010. Am J Epidemiol. 2014 ;179 (10) : 1197-207.

 

Évaluer la force musculaire pour prévenir les chutes

L’objectif de cette publication est de déterminer si l'obésité sarcopénique (faible masse musculaire) ou dynapénique (faible force musculaire) est associée à une augmentation du risque de chutes chez les adultes d'âge moyen et plus âgés.
Cette étude de cohorte prospective sur 5 ans a inclu 674 volontaires (moyenne d’âge 61,4 ± 7,0 ans ; 48 % de femmes). L’analyse en régression linéaire multivariée a révélé une augmentation significative des chutes en cas d’obésité dynapénique.

L'avis du spécialiste. L'obésité dynapénique est prédictive de l'augmentation des risques de chute chez les adultes d'âge moyen et plus âgés. En pratique clinique, une évaluation de la fonction musculaire peut être utile pour prédire les risques de chutes chez les patients obèses. Cette notion de dynapénie intégrant la force musculaire est à faire connaître au même titre que la sarcopénie, pour une évaluation et une prévention plus efficace avec le vieillissement.

Scott D, et al. Sarcopenic obesity and dynapenic obesity: 5-year associations with falls risk in middle-aged and older adults. Obesity (Silver Spring). 2014 ; 22(6) : 1568-74.

 

Le test de vitesse de marche et la force de préhension : les deux mesures diagnostiques incontournables

L’objectif de ce travail a été d’évaluer la prévalence de la sarcopénie, en appliquant les recommandations du Groupe de travail européen sur la sarcopénie chez les personnes âgées (EWGSOP) au sein d’une unité de soins gériatrique aiguë, ainsi que de tester une version modifiée de l'algorithme de diagnostic EWGSOP combinant poignée de main et vitesse de marche pour identifier les sujets avec une faible masse musculaire.

Il s’agit d’une étude de cohorte observationnelle au sein d’une unité gériatrique dans un service médical universitaire. Cent dix-neuf personnes ont été inclus (34,4 % de femmes), avec un âge moyen de 80,4 ± 6,9 ans et un indice de masse corporelle de 26,3 ± 4,9 kg /m2. L’évaluation de la masse musculaire a été réalisée par analyse de bio-impédance, la force musculaire par dynamomètre de poche, et la vitesse de marche par  le test de marche de 4 mètres.

Selon la classification EWGSOP, 5 % des patients présentaient une sarcopénie et 21 % une sarcopénie sévère. Le pouvoir prédictif le plus élevé dans la détection des sujets ayant une faible masse musculaire a été observée (sensibilité et spécificité, 80,6 % et 62,5 %, respectivement) pour la combinaison du test de vitesse de marche et de la mesure de la force de préhension.

L'avis du spécialiste. Dans cette  étude, un patient sur quatre admis dans le service de soins de courte durée avait une sarcopénie. Lorsqu'une version modifiée du tableau des flux de EWGSOP, combinant à la fois la vitesse de marche et la poignée de main a été utilisé, la sensibilité et la spécificité de l'algorithme pour identifier les sujets ayant une faible masse musculaire a été améliorée.

Il faut utiliser des techniques simples, reproductibles dans les unités cliniques pour dépister la sarcopénie, et simplifier les outils existants pour pouvoir faire connaître la classification EWGSOP le plus largement.

Rossi AP, et al. Identifying sarcopenia in acute care setting patients. J Am Med Dir Assoc. 2014 ; 15(4) : 303.e7-12.

Dr Arach Madjlessi

 

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