Ehpad du CH de Seclin : rendre acteur le résident dans sa prise de CNO

dénutrition chez les personnes agées
PRINTEMPS – FOTOLIA.COM

La prise en charge des patients dénutris en institution est un challenge. Industriels et professionnels de santé rivalisent d’idées pour encourager chaque jour la prise alimentaire de ces sujets fragiles. Tony Dos Santos, diététicien cadre de santé et Annick Brioul, diététicienne référente des Ehpad, travaillent au Centre hospitalier de Seclin, dans le Nord-Pas-de- Calais, auquel sont rattachés plusieurs établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad). En 2012, ils constatent que la prise des compléments nutritionnels oraux (CNO) par les résidents qui en bénéficient n’est pas optimale : environ 50 % ne sont pas consommés. « Sans personnel dédié à leur délivrance, les CNO étaient simplement posés sur le plateau repas, explique Tony Dos Santos. On ne savait pas s’ils étaient consommés au moment du repas et beaucoup d’entre eux étaient jetés. » Annick Brioul reconnaît alors que, si les résidents se voient bien proposer leur complémentation orale, celle-ci reste identique toute l’année. « Le seul moment de plaisir des résidents se trouve dans leur repas. Ils mangent ce qu’on leur propose, analyse-t-elle. Ils n’ont pas le choix de leur complémentation. »

Redonner le choix aux résidents

Comment alors distribuer les CNO afin d’optimiser leur prise ? À partir de la réflexion menée dans le service dans le cadre de la lutte contre la dénutrition, les diététiciens ont choisi d’améliorer l’administration de la complémentation nutritionnelle. « Nous avons décidé de rendre le résident acteur de sa complémentation, en lui laissant le soin de choisir ses CNO », indique Tony Dos Santos.

alimentation des personnes agées

Commence alors un véritable travail d’équipe de réorganisation du service diététique au sein d’un Ehpad de l’établissement. Quarante lits sont testés. Les journées sont rythmées par les réunions de synthèse, auxquelles assiste un cadre de santé, qui informe et implique les soignants dans le projet. Après avoir posé le constat de la faible consommation des CNO et défini les objectifs à atteindre, les professionnels ont discuté des goûts des résidents. Dans le service, ce sont les aides-soignants qui choisissent les CNO. « Il est important d’informer et de former les professionnels sur les compléments nutritionnels, afin qu’ils accompagnent les personnes âgées dans leur choix », précise Annick Brioul.

 

Afin d’élargir la gamme de produits proposés, la diététicienne a donc travaillé sur les équivalences nutritionnelles entre les différents compléments (cf. figure). Pour varier la texture, des biscuits, compotes et jus de fruits sont venus compléter les produits lactés, liquides ou crèmes, habituellement proposés, chacun disponible en différents parfums. « Nous devions désacraliser le CNO auprès des professionnels, afin qu’ils le considèrent comme un aliment et non comme un médicament, insiste Annick Brioul. Jusqu’à présent, les soignants optaient toujours pour des compléments liquides ou des crèmes. Nous leur avons montré qu’il existait de la variété dans cette gamme de produits et que l’on pouvait proposer des produits différents tout en conservant un apport nutritionnel et calorique similaire. » « Le plus important est que le CNO soit consommé, ajoute Tony Dos Santos. Laissons le choix aux résidents et acceptons les éventuelles variations d’apports caloriques. Nous préférons que le CNO soit consommé en entier par le résident, même s’il contient quelques protéines ou calories en plus. » Avant la refonte de l’organisation, les CNO étaient commandés en grand nombre. Il fallait parfois plusieurs jours pour écouler les stocks. Les résidents retrouvaient alors sur leur plateau le même complément plusieurs jours de suite. « Si les CNO étaient des crèmes au chocolat et qu’une personne n’aimait pas le chocolat, elle devait patienter quelques jours avant d’obtenir un complément différent », explique le diététicien cadre de santé. L’équipe a également instauré un « tour » de collation l’après-midi pour que les aides-soignants et soignants se rendent au chevet de chaque résident nécessitant un complément et puissent l’interroger sur ses préférences.

La prévalence de la dénutrition a diminué

Et la réorganisation du service a porté ses fruits : alors que les résidents consommaient 50 % seulement de leur CNO, ils prennent désormais leur complémentation à 98 %. Leur état nutritionnel s’est également amélioré : au premier étage du service, le taux moyen d’albuminémie des résidents dénutris est passé de 30,87 % à 35,62 % après la refonte de la distribution des CNO (cf. tableau).

equivalences differents CNO
Estimation des équivalences pour les différents CNO.

Cette réorganisation a été rendue possible grâce à des professionnels réceptifs et motivés ainsi qu’à la confiance établie entre Annick Brioul et l’équipe soignante. « Annick était déjà impliquée et reconnue au sein de l’Ehpad, précise Tony Dos Santos. Elle s’est investie. Il y a eu un travail préliminaire de plusieurs années afin d’établir une vraie collaboration. » Les deux diététiciens insistent sur l’importance de l’implication du cadre de santé, dont le soutien est impératif pour la réussite du projet. Les médecins de l’équipe réalisent maintenant systématiquement un bilan nutritionnel : « Les soignants se recentrent sur la nutrition, ils ont pris conscience que la collation devait être un moment convivial, et de plaisir », ajoute le diététicien. Une évolution que les personnes âgées apprécient : « Aujourd’hui, même quand le résident n’est plus en état de dénutrition, il conserve son complément », plaisante Annick Brioul.

 
Nombre
de résidents
par étage
Nombre
de résidents
avec CNO avant
réorganisation
Moyenne
de l’alb. avant
Nombre
de résidents
avec CNO
après
réorganisation
Moyenne
de l’alb. après
 40 au 1er étage 12  30,87  8  35,62
 40 au 2e étage  17  34,00  14  35,71

« Grâce à ces résultats encourageants, nous avons pu étendre cette organisation aux services des deux autres étages de l’Ehpad », se félicite Tony Dos Santos. L’équipe a pour projet de mettre en place son organisation aux autres Ehpad du groupe puis aux établissements de courts-séjours, où les professionnels sont très demandeurs. « Pour ce type de prise en charge se pose la question du stockage des CNO. C’est une limite pour étendre le projet, il faut réfléchir aux moyens logistiques », modère Tony Dos Santos.

 

Florence Bozec

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